interview par Jessica Coudrier

POUVEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER ?

Mon nom est Yannig Guillevic, artiste, inscrit à la Maison des Artistes depuis 1999. J’ai fondé La Fabrique des Images pour répondre à une demande de créativité dans l’élaboration d’identités visuelles web et print vers les professionnels du monde de l’entreprise et même les particuliers. Avant de m’engager dans l’Art, j’étais marchand de tableaux à Paris. J’ai voyagé plusieurs années en Europe, aux États-Unis, en Afrique et en Amérique Centrale. Je me suis installé à Paris, Londres, Bilbao, Los Angeles pour rencontrer d’autres créatifs, des rencontres déterminantes. Je suis marié et papa d’une fille de 9 ans.

VOUS PARLEZ DE RENCONTRES DÉTERMINANTES ?

Oui, déterminantes mais pas déterministes. La plupart de mes rencontres ont été le fruit d’un hasard heureux. J’ai rencontré Mickey Rourke à Los Angeles au moment où il avait ouvert un bar seulement pour ses amis bikers près du Caffé Roma à Beverly Hills. Ça n’a duré que 6 mois car trop de bruit. Je le rencontrais souvent dans une ruelle jouxtant son bar et nous avions des conversations sur la vie. Un jour, il s’est assis près d’un sdf et lui a proposé un travail : nettoyer tous les chromes de sa Harley. Le sdf a par la suite créé son entreprise.

C’est ma rencontre avec Fernando Tapia Grijalva, président de l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire de l’État de Sonora au Mexique. Je voulais rencontrer cette personnalité pour sa connaissance des arts primitifs, soit dit en passant essentiel pour comprendre ce qu’est la synthèse des formes dans un logo bien réalisé par exemple. À la fin de notre premier rendez-vous, Fernando a décroché quelques œuvres de son mur pour me les offrir.

C’est tout aussi bien des personnages moins illustres comme Thierry Massé, monteur et réalisateur cinématographique, qui m’a suivi durant plus d’une année afin de réaliser un film documentaire sur mon travail. Ou encore un curé de campagne nommé Riton qui, entre une multitude d’autres choses, me fait découvrir à sa manière les vins de Bourgogne. Ces rencontres déterminantes sont nombreuses et variées. Elles constituent des expériences de vie déterminantes et peuvent me fournir des indications pour créer un logo, un site Internet ou une peinture.

Oui, déterminantes mais pas déterministes. La plupart de mes rencontres ont été le fruit d’un hasard heureux.

APRÈS DES ANNÉES À VOYAGER, QU’EST-CE QUI VOUS A DÉCIDÉ À VOUS INSTALLER EN SUD BRETAGNE ?

La rencontre avec une femme qui est aujourd’hui mon épouse et la mère de notre fille unique qui a 9 ans. Je connais bien le Morbihan pour y avoir passé une grande partie de mon enfance. J’ai étudié à l’école des Beaux-Arts et au Conservatoire de Lorient. Durant plusieurs années, j’ai été l’un des 15 administrateurs de l’Institut Culturel de Bretagne et président de la section Art et Architecture. C’est un territoire où je me sens bien, où la puissance créatrice est au rendez-vous, à chaque moment de la journée et de la nuit. C’est cette puissance qui m’a rendu un peu plus sédentaire aujourd’hui. Et ma petite famille, bien sûr !

COMMENT ÊTES-VOUS PASSÉ DE LA PEINTURE AU GRAPHISME ?

Mais je suis toujours dans la peinture. Je veux dire dans le processus créatif. Il n’y a pas de frontières entre la peinture et le graphisme qui partagent les mêmes pratiques ou langages. Prenons la création d’un logo. Le dessin, la couleur vont être une pratique similaire à la peinture. Ce qui l’est également est le principe immersif que je vais installer dès le début. En bref, créer une bulle. Plus poétiquement : je creuse dans l’obscurité pour amener du travail à la lumière. L’obscurité est au commencement d’un projet graphique et pictural. La lumière en est son aboutissement : le logo est né ! Bien sûr, dans le cadre d’un site vitrine ou e-commerce, il y a d’autres paramètes qui s’inscrivent dans le process général. Comme par exemple le référencement, le développement et tous les éléments techniques et rédactionnels qui sortent parfois du champ artistique. Et encore, ceci est discutable.

COMMENT DÉCRIRIEZ-VOUS VOTRE PROCESSUS CRÉATIF ?

C’est une question complexe… D’abord, dans le cadre de mon activité au sein de La Fabrique des Images, il faut savoir écouter et regarder l’autre. Au départ d’un projet (un logo, une charte graphique, une publicité, un site Internet, etc.), je tiens à rencontrer physiquement mon commanditaire (sauf exception, comme la distance). Ce premier rendez-vous doit me permettre de comprendre les attentes du client afin de rédiger un devis le plus précis possible. Ensuite, en fonction de l’ampleur du projet, un brief ou un cahier des charges exhaustif est rédigé. À la date fixée, je commence par m’immerger complètement dans le projet, c’est-à-dire qu’aucune autre tâche ne viendra perturber cette immersion. Toujours en fonction du projet, il y aura beaucoup d’esquisses, des choses à jeter, des choses à garder. Cette étape peut être plus ou moins longue car, en aucun cas, l’unité temps ne devra perturber mon travail. C’est avec ce degré d’exigence que je trouve une voie qui satisfera mon client dans ses attentes.

QUELLE EST VOTRE CLIENTÈLE ? Y A-T-IL DES CRITÈRES DE SÉLECTION POUR VOUS ?

En effet, il y a certains critères qui me font prendre un projet ou pas. L’idéal pour moi est d’avoir carte blanche. Cette notion n’exclut évidemment pas l’échange avec le client. Un autre critère est l’exclusivité territoriale. Je m’explique en prenant un cas concret : le groupe immobilier Bénéat-Chauvel situé à Vannes et dans le Golfe du Morbihan. Depuis plusieurs années, je suis en charge de toute leur communication physique et virtuelle : logo, charte graphique, papeterie d’entreprise, affiches, publicités, sites Internet… Je ne prendrai aucun contrat avec une autre agence immobilière sur le Morbihan. En France, oui, à partir du moment où les dirigeants de Bénéat-Chauvel me donnent leur autorisation. Comprenez bien que c’est une exclusivité que j’instaure en mon nom. Je vous garantis que le client est ravi de cette initiative. Comment voulez-vous que je travaille pour Bénéat-Chauvel et que je puisse accepter un contrat de Bretagne Sud Sotheby’s International Realty Vannes ? Ça ne se fait pas. Pas chez nous.

Il y autre chose. Je suis beaucoup plus productif lorsqu’il s’agit d’une activité à valoriser dans le monde du luxe. J’en connais les codes. Si un boucher venait à faire appel à mes services pour fabriquer une identité visuelle basique, je préfère dire non et l’inviter à contacter un autre prestataire qui sera à l’aise avec ce style de contrat. Mais un boucher avec une intention de se démarquer de ses confrères : ça peut m’intéresser ! Par expérience, il est beaucoup plus facile pour moi de travailler avec le monde du luxe car j’ai toujours carte blanche. Jusqu’à aujourd’hui !

Quant à mes clients, il y a Bénéat-Chauvel (j’en ai déjà parlé) ; les Huîtres Crénéguy, une famille d’ostréiculteurs du Golfe du Morbihan ; VTC eco Vannes, un chauffeur privé ; le Tennis Club de Quehan ; Les Moineaux Chanteurs, un couple d’artistes de rue ; Monteur documentaire, un site Internet sur le monteur cinématographique Thierry Massé ; Entre Terre & Ciel, salon de massage ; le Champagne Fay Michel ; et bien d’autres… Ceci pour vous montrer la diversité des activités approchées. Aucune limite si ce n’est les quelques critères exposés précédemment.

AVEZ-VOUS DES RÉFÉRENCES, DES MENTORS DANS LE MONDE DU GRAPHISME ET DU WEB DESIGN ?

Oui, j’ai quelques noms qui qui me viennent à l’esprit.

Côté graphistes… Il y a l’incontournable Jean Widmer. Vous connaissez le logo du Centre Pompidou ? la signalétique des aéroports de Paris ? C’est lui. J’aime beaucoup sa connaissance des formes géométriques et de la couleur. Andy Warhol, bien sûr, qui a commencé sa carrière comme illustrateur. Le GRAV, Groupement de Recherche en Arts Visuels. Rob Janoff. Vous savez, le logo d’Apple ? Massimo Vignelli et sa carte du métro de New-York. J’adore le concept qu’il a développé. Carolyn Davidson et son logo Nike : quelle fluidité ! Le grand Saul Bass et ses affiches d’une grande richesse graphique. Et évidemment Paul Rand et son travail considérable sur le logo. Et tant d’autres…

Côté webdesigners… Il y en a beaucoup moins. Je pense au couple Anton Repponen et Irene Pereyra, directeurs très jeunes mais qui n’ont pas hésité à démissionner de l’une des plus grandes agences digitales pour créer leur propre studio. Question de maîtrise du processus créatif ! Ce sont de gros créatifs dans le monde du web design. Je pense à leur site  » One Shared House 2030  » qui collecte des informations sur l’habitat partagé de demain. J’aime beaucoup la charte graphique de leurs animations géométriques et narratives. Il y aussi Matt Pamer. Ce qui m’intéresse chez lui est surtout ses Custom generative pattern qui me rappellent les expérimentations du GRAV (Groupement de recherche en Arts Visuels). J’aime aussi le travail de Bethany Heck sur la typographie, ses contrastes de couleurs et ses photos toujours de grande qualité. En passant, j’accorde une grande importance à la qualité des images et leur fonction sémantique lors de la fabrication d’un website. Etc., etc.

Certains vous diront qu’il vaut mieux ne pas avoir de référents : c’est plus facile ! Je pense que c’est une erreur de ne pas assimiler ce qui nous a précédé. Comment voulez-vous comprendre la peinture de Dali sans Raphaël ?

À PROPOS, POURQUOI UNE CHOUETTE ROSE DANS VOTRE LOGO DE LA FABRIQUE DES IMAGES ?

Dans la mythologie grecque, la chouette est l’un des attributs de la déesse Athéna. Elle symbolise la sagesse liée à sa vision perçante qui lui permet de se repérer dans l’obscurité. J’en ai fait la mascotte de La Fabrique des Images afin d’identifier celle-ci à la culture. Il faut beaucoup de culture et d’art pour fabriquer un logo, une publicité ou un site Internet.

Vous vous rappelez mon principe d’immersion : plonger dans l’obscurité pour amener du travail à la lumière. Quant au qualificatif de rose, c’est en pensant à ma fille que j’ai donné à cette chouette la couleur rose. Son prénom ? Rose !

Commençons votre projet dès aujourd’hui!